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Photo du rédacteurJacques Abécassis

Robert Castel à propos de Pierre Bourdieu


« Je ne me suis jamais pensé comme « bourdieusien » à proprement parler. Cependant, [..], je crois que Pierre Bourdieu représente un paradigme, si ce n’est le paradigme, de la posture sociologique. Parce que c’est quelqu’un qui a compris la dureté du monde social et qui a essayé de la penser sans concessions, dans toutes ses implications, et qui s’est interrogé sur ce que l’on pouvait faire lorsqu’on savait cela, que le monde social c’est essentiellement la contrainte sociale, mais qu’on ne se résigne pas à célébrer cet ordre du monde. Pierre Bourdieu, me semble-t-il, est l’homme qui aurait voulu changer le monde (et pas seulement l’arranger un peu) tout en sachant qu’il est gouverné par des lois impitoyables. Pour dire les choses schématiquement, je crois que c’est là la grandeur de Bourdieu, et en même temps la grande ligne de tension, et peut-être la contradiction, qui traverse toute son œuvre. De sorte que « travailler avec Bourdieu » quand on est sociologue, c’est travailler sur cette tension, se demander ce que l’on peut faire avec, se défendre parfois contre elle –tout en sachant, c’est du moins mon avis, qu’il avait en gros raison, mais que cette raison est difficile à regarder en face. »

Robert Castel – nov.2002, discours de clôture du colloque « Travailler avec Bourdieu » à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Pierre Bourdieu était mort quelques mois plus tôt, le 23 janvier 2002.

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