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  • Photo du rédacteurJacques Abécassis

Lucidité : Expérimenter ou avoir de l'expérience ?



J’ai fait une expérience étrange l’autre jour en suivant une conférence organisée sur France Culture et diffusée sur un réseau social. Un philosophe y parlait justement d’expérience.


L’étrangeté tenait au côté laborieux du propos. Non pas qu’il fût difficile à suivre, mais le conférencier semblait chercher ses mots, il alternait entre une parole fluide, et des accrocs, pendant lesquels il semblait obligé de reprendre ses notes. Comme s’il n’était pas tout à fait prêt, comme s’il avait peur de nous dire quelque chose, ou peut-être comme s’il cherchait à nous ménager devant une nouvelle délicate ou un sujet complexe.


Le voilà donc, nous expliquant que l’expérience se tente, ou bien qu'elle s’acquiert. Le mot a en effet deux acceptions. L’une proche de « faire une expérience », et l’autre se rapprochant « d’avoir de l’expérience ». Dans un sens, l’expérience peut être éprouvée, et recherchée volontairement, dans un autre sens, elle s’accumule avec le temps qui passe, sans que nous n’y puissions rien. Notre philosophe tournait autour de ces notions, les déconstruisait, les expliquait, hésitait. Rien de nouveau sous le soleil, et j’ai failli fermer mon Ipad en repoussant à plus tard l’écoute de la suite, lorsqu’il a dit le mot magique, lucidité. Je comprenais mieux, tout à coup, son embarras.


Mon premier sentiment alors, ce fut l’incrédulité, car ce mot est somme toute assez peu utilisé, et souvent avec un certain pessimisme, comme si la clarté et la justesse était insupportable. J’étais troublé d’entendre utiliser cette idée, que je propage depuis 1987, que la lucidité devrait être désirée et poursuivie. Je suis passé de la surprise au plaisir, de la proximité à la complicité.

Et me voilà écoutant avec gourmandise parler de lucidité.


Comme vous le savez, une partie de mon activité est réalisée sous la bannière de LUCID conseil & formation. LUCID. En effet, notre capacité à construire collectivement un monde meilleur, et à être heureux, passe par la perception des phénomènes tels qu’ils sont - disons tels que nous les expérimentons -, au moins pour les accepter, sinon pour provoquer les changements voulus. Cette perception semble si difficile à tant de personnes qui n’acceptent, ni ne changent, ce qui ne leur convient pas. Pour soulager mon chagrin, mon désagrément, et parfois mon épouvante, devant les conséquences de cette inconséquence, j’en suis arrivé à concevoir qu’elles ne parvenaient pas à faire l’effort utile de lucidité, à propos d’elles-mêmes, des autres, sur le fond ou la forme de leurs relations, pas plus que sur les contextes dans lesquelles elles se déroulent. Cet effort permettrait pourtant d’atteindre les objectifs qu’elles semblent toutes viser, individuellement et collectivement, et au moins, il éviterait une partie des drames qu’elles fabriquent, en pensant qu’ils relèvent d’une omnipotente fatalité, de causes ou de principes extérieurs.


La lucidité. J’ai eu 60 ans cette année, il n’y a pas un jour sans que j’y pense, et que j’essaie d’infirmer mon hypothèse. Rien à faire pour le moment : la qualité des relations interpersonnelles tisse la compétence collective.


Et cette compétence collective s’acquiert de surcroît, c’est-à-dire, qu’elle n’est ni produite par la volonté contrôlée, ni par la seule addition des compétences individuelles, c'est ni par l'expérience expérimentée, ni par l'expérience accumulée. Elle ne peut advenir que lorsque les compétences individuelles nécessaires sont présentes, mais elle n’est pas garantie par cette seule présence, car elle doit rencontrer un contexte favorable, contexte fait de multiples paramètres qu'il est impossible de monitorer dans leur totalité.


Ce qui est sûr, c’est que sans les compétences relationnelles nécessaires, et même en présence d’un contexte approprié, point de compétence collective, de celle qui fabrique du bien commun et du bonheur individuel, en tout cas.


Ce que nous pouvons faire, c’est acquérir les aptitudes nécessaires pour participer à cette compétence collective. Il s’agit d’accepter les résultats de ce que nous faisons volontairement, notamment quand ce que nous faisons n’aboutit pas au résultat espéré, et donc d’être capable d’essayer autre chose dans nos relations, d’expérimenter. Il s’agit également d’assumer consciemment ce que les épreuves involontaires nous enseignent.


Expérimenter consciemment et profiter des expériences involontaires est un travail formidable à bien des égards. Même si l’illusion n’est jamais totalement levée, observer ce qui reste après elle, est réjouissant dès les débuts de la pratique de la lucidité. Je ne sais pas si c’est le réel qui est ainsi dévoilé, mais peut-être l’effectif, ou ce qui est tangible dans nos vécus.


LUCID conseil & formation propose des apports conceptuels et des entraînements en relation avec la lucidité depuis 1987. J’ai réalisé des applications de la lucidité dans différents contextes, personnels ou professionnels, pour progresser concrètement et améliorer ses compétences comportementales et relationnelles, dans le management, le travail en équipe, les négociations, la vente, mais aussi, l’affirmation de soi, la prévention des conflits, la vie en en famille, etc.


La pratique de la lucidité met à l’épreuve les idéologies, les morales, les fantasmes et les opinions. Cette mise à l’épreuve a souvent quelque chose d’inacceptable pour la plupart des gens, vous peut-être. On dit souvent de cette sagesse qu’elle est triste, mais Il n’y a pas de tristesse dans la lucidité. Parfois, un peu de nostalgie traverse l’expérience, comme le regret paradoxal d’un lieu et d'un temps dans lesquels on croyait vivre, et qui n’existe pas.


Pas de résignation non plus dans la lucidité. Se résigner, c’est déplorer ce qui résiste, sans accepter ni diminuer la résistance. Dans l’état lucide, on résout cet autre paradoxe de la vie qui tente d’effacer les résistances pour satisfaire le désir, alors que la condition du désir, c’est justement la résistance.


La lucidité est sans doute plus un mouvement produit par une pratique, qu’un état permanent, et on s’arrête toujours tôt ou tard en chemin sur le chemin de la lucidité, pour reprendre une expression de François JULLIEN.


C’est néanmoins un très beau voyage. J’espère que ceux qui le font voudront plus en parler, et que ceux qui ne l’ont pas commencé se lanceront dans l’aventure !



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